Somos los tristes refugiados (Argelès sur mer, 1939)

Le 26 janvier 1939, Barcelone, le dernier bastion de la République espagnole tombe face aux assauts des insurgés franquistes.

Commence alors la « retirada », l’exil vers la France des combattants républicains et des civils qui veulent fuir la dictature. En quinze jours, en plein hiver, 500.000 personnes, 200.000 combattants, soldats et miliciens et 300.000 civils rejoignent la France, le plus souvent dans des conditions épouvantables, en passant par le col du Perthus.

Cet afflux massif de réfugiés « déborde » les autorités françaises qui n’ont rien anticipé et ne savent que faire, en même temps qu’elles craignent que les Pyrénées Orientales ne deviennent une base arrière pour des actions républicaines en Espagne.

Les réfugiés sont ainsi répartis dans une douzaine de camps dans les Pyrénées Orientales, camps qu’on appelle aujourd’hui « camps de regroupement » ou « camps d’internement » mais qui étaient nommés jusque 1941 au moins, très officiellement, « camps de concentration ».

Le camp d’Argelès occupe une place particulière dans ce dispositif. C’est le plus important : on y entasse, dès janvier 1939, dans le plus grand dénuement, plus de 100.000 réfugiés, très majoritairement des combattants. Il fermera en 1941 avec un transfert des réfugiés de la Retirada dans d’autres camps.

Le chant « somos los tristes refugiados » dit parfois « chant d’Argelès » a été écrit, en captivité au camp d’Argelès, par un réfugié républicain espagnol aujourd’hui anonyme sur un air de Tango « esta noche me emborracha » composé par Enrique Santos Discépolo.

Des versions du tango original chantées par Carlos Gardel ont été célèbres.

le texte en espagnol :

Somos los tristes refugiados
a este campo llegados
después de mucho andar,
hemos cruzado la frontera
a pie y por carretera
con nuestro ajuar

Mantas, macutos y matelas
dos latas de conservas
y algo de humor,
es lo que hemos podido salvar
después tanto luchar
contra el fascio invasor.

Y en la playa de Argelès sur Mer,
nos fueron a meter
¡ pa no comer!

Y pensar que hace tres años
España entera
era una nación feliz,
libre y prospera;
abundaba la comida,
no digamos la bebida,
el tabaco y el “parné”.

Había muchas ilusiones
la paz en los corazones
y mujeres a granel…
Y hoy, que ni cagar podemos
sin que venga un “Mohamet”,
nos tratan como a penados
y nos gritan los soldados…
¡ Allez!… Allez!

Vientos, chabolas incompletas,
ladrones de maletas,
¡ arena y mal olor!
mierda, por todos los rincones,
sarna hasta los cojones,
¡ Fiebre y dolor!
Y alambradas para tropezar,
de noche al caminar
buscando tu “chalet”
y por todas partes donde vas,
te gritan por detrás…
¡ Allez!… ¡ Allez!…
Y si vas al “barrio chino”,
estas “copado”,
Te quedas sin un real…
¡ y cabreado!

Tres cigarros mil pesetas
y en el juego no te metas
porque la puedes “palmar”
y si tu vientre te apura
y a la playa vas, oscura,
te pueden asesinar…
En mal año hemos venido,
no sabemos ya que hacer,
cada día sale un “bulo”
y al final de dan por el c…

¡ Allez!… ¡ Allez!…

… et en français : 

Nous sommes les tristes réfugiés
Dans ce  camp  arrivés
Après avoir beaucoup marché
La frontière avons passé 
A pied et par la route
Avec notre balluchon.

Couvertures, sac à dos et matelas,
Deux boites de conserve
Et un peu d’humour,
C’est tout ce que nous avons pu sauver
Après tant de lutte
Contre l’envahisseur fasciste.

Et ils nous ont parqués sur la plage d’Argelès-sur-Mer
Sans rien à bouffer!

Et dire qu’il y a trois ans
L’Espagne était un pays heureux, 
libre et prospère ;
La nourriture était bonne, 
sans parler des boissons, 
du tabac et du pognon.

Nous avions tant de rêves,
La paix dans nos cœurs
Et des femmes à gogo…
Et maintenant, on ne peut même pas aller chier
Sans qu’un « Mohamed »
Ne nous traite comme des condamnés
Et que des soldats nous crient
Allez, allez !!

Vent, cabanes délabrées,
Voleurs de valises,
Le sable et les odeurs insupportables !
De la merde partout,
La gale jusqu’aux cou...,
Fièvre et douleur !

Les barbelés qui s’accrochent
La nuit quand tu cherches ton « pavillon »,
Et où que tu ailles
On te crie par derrière
Allez, allez !!

Et si tu vas au "quartier chinois",
T'es foutu
Tu t'retrouves sans un sou
T'es emmerdé !


Trois cigarettes mille pesetas,
Ne te lance pas dans les jeux
Parce que tu peux passer l'arme à gauche, 
Et si ton ventre a des besoins
Ne t'aventure pas sur la plage obscure
Car tu te fait trucider...


Nous ne sommes pas venus au bon moment,
On ne sait pas quoi faire, 
Chaque jour un ragot
Et à la fin tu l'as dans le c...
Allez, allez !!
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