Rudolf Karel, camp de Pankràc (Prague, Tchécoslovaquie)
La semaine dernière (mars 2023), à Prague, Francesco Lotoro, président de l’Istituto di Letteratura Musicale Concentrazionaria et Fondation ILMC (France) a reçu des mains d’Ivan Karel, le fils du compositeur Rudolf Karel des manuscrits composés par son père en captivité en 1944/45.
C’est l’histoire extraordinaire d’un homme et la perpétuation de son œuvre qui se réalise :
Pendant la 1ere guerre mondiale, Rudolf Karel est soupçonné d’être un espion autrichien et emprisonné par les autorités russes mais s’évade ; déporté en Sibérie, il entre en 1919 dans la Légion tchécoslovaque stationnée en URSS.
De retour en Tchécoslovaquie en 1920, il enseigne la composition au Conservatoire de Prague. Pendant la seconde guerre mondiale, il rejoint la Résistance aux côtés du groupe Kvapil-Krofta-Làny.
Le 19 mars 1943, il est arrêté par la Gestapo et emprisonné à Pankrác (Prague), soumis à à la torture. Atteint de dysenterie, il passa de longues périodes à l’infirmerie de la prison, où il écrivit Lieder op.41, Pankrác March op.42a pour piano, Pankrác Polka op.42b pour violon et piano, Pankrác Valzer op.42c pour piano.
Entre janvier et février 1945, il écrivit la partition pour piano Nonet op.43 et l’œuvre en cinq actes Tři zlaté vlasy děda Vševěda… sur240 feuilles complètes avec réduction pour piano et parties vocales. Pour écrire il utilisait du charbon qui lui était donné pour la dysenteris ou du fusain végétal. Il écrivait sur du papier toilette ou des feuilles de bloc-notes que le surintendant du pénitencier Müller transférait à l’extérieur de la prison et remettait à la famille de Karel.
Découvert, Müller est arrêté par la Gestapo. Torturé, il meurt dans le même pénitencier. L’état de santé déjà critique de Rudolf Karel s’aggrave en février 1945 et il contracte une pneumonie.
Laissé dans le froid à l’extérieur des cellules, il meurt d’hypothermie avec neuf autres prisonniers le 5 mars 1945.
Depuis 1991, une amitié profonde lie Ivan Karel, aujourd’hui âgé de 96 ans, à Francesco Lotoro. L’œuvre de son père est enfin enregistrée. La vie continue.